Dans une société où chaque personne doit être libre de circuler, la notion d’accessibilité est cruciale. L’accessibilité est ce qui permet aux personnes en situation de handicap physique de pouvoir se déplacer de manière autonome. Le frein, l’obstacle n’est donc bien souvent pas lié à la personne mais à l’espace qui l’accueille, lui offrant ou non des accès et des espaces de circulation. Cela révèle une ambiguïté, un paradoxe dans les représentations. Ces personnes sont considérées comme handicapées alors que l’espace non adapté est de fait ce qui les entrave.
Ces photographies tentent de rendre compte de ces barrières réelles ou symboliques, concrètes ou mentales. Chaque lieu, chaque espace traduit un certain rapport au corps, à une présence, mise en tension et pouvant traduire un état intérieur.
La question se pose notamment du renversement qui s’opère lorsque les espaces rendus accessibles, adaptés ou dédiés produisent l’effet opposé. Ils renforcent dans certains cas une forme de mise à l’écart, de placement à part, et produisent une sensation de liminalité subie par les personnes handicapées (« La liminalité désigne cette situation de seuil dans laquelle l’individu flotte dans les interstices de la structure sociale » Marcel Calvez*). Être happé par les méandres d’une architecture qui fait circuler en zigzag, suivre des lignes jusqu’à une potentielle entrée, ou être isolé dans un espace dédié à votre situation de handicap comme derrière une paroi de verre procurant une sensation d’étouffement; ni complètement inclus, ni complètement exclu, évoluer dans un entre-deux, dans une situation intermédiaire. Par ces photographies, j’ai souhaité faire apparaître des espaces génériques, dans lesquels les personnes photographiées deviennent témoins et capteurs de situations physiquement et mentalement vécues, et ainsi donner un accès à cet état d’être au monde.
* « Le handicap comme situation de seuil : éléments pour une sociologie de la liminalité », article publié dans « sciences sociales et santé » vol. 12, mars 1994.
Ce travail photographique a été réalisé en 2023 dans le cadre d’une résidence de création initiée par le festival de photographie « Les Boutographies » en partenariat avec l’association APF France handicap Occitanie.